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Docteur Moutal
27 avril 2006

La difficile cohabitation des publics "marginaux"

Bon, avant toute chose, je tiens à préciser pour celles et ceux (potes, famille, collègues de travail) qui seront cité-e-s ici que mes petits comptes-rendus d'observation visent à ouvrir le débat. Donc droit de réponse qui va de soi, et encouragé de surcroît.

Alors, pour remettre les choses dans leur contexte, cette observation-ci fait suite à l'anniversaire de Sam, pote qui a fêté ses 25 ans en début d'année. Une soirée vraiment éloquente. Si je devais décrire Sam en quelques mots (certes, ce sera réducteur), je dirais qu'il est entrain d'opérer un tournant relatif dans sa vie, en essayant de mettre en application au quotidien des principes et valeurs qui lui tiennent à coeur : refus d'une société surmarchandisée où la consommation est reine, hygiene de vie basée sur la modération, conduite écologique et surtout, forte croyance dans la puissance de l'idée d'autogestion comme mode d'organisation sociale. Il vient d'ailleurs de quitter son emploi de jeune cadre dans l'informatique pour envisager un mode de vie plus alternatif que celui qui s'offrait à lui dans une perspective sociale "normalisée" (la nôtre à tous) : boulot contraignant, nécessité de constituer une famille, achat immobilier, chien et plan de retraite.

Ces valeurs ont conduit Sam à fréquenter différents groupes partageant de près ou de loin ses affinités intellectuelles. Pour ses 25 piges, Sam a donc convié un ensemble de potes dans une salle louée à cet effet ; deux principaux groupes de potes qui ne se connaissaient pas entre eux, et que l'on peut  qualifier de plus ou moins marginaux ou déviants, et ce, dans la mesure où leurs action s'orientent partiellement vers des voies alternatives au modèle sociétal normalisé. Pour schématiser, je dirais qu'il y avait d'un côté des amateurs de musique électronique (mon dieu, des "teufeurs") et de l'autre des férus de musique plus rock (mon dieu, des "punks-anars"). Sam, confiant dans les principes de l'autogestion, a laissé chacun des groupes amener de quoi animer la soirée : des platines et du son d'un côté ; des instrus traditionnels de l'autre.

En dépit du fait que j'étais moi-même acteur de cette petite sauterie (et donc en partie dans la brume par mes diverses consommations), j'ai regardé avec le peu de lucidité qu'il me restait la manière dont se sont déroulées les choses. Tout d'abord, chacun est resté bien de son côté dans la salle au début de soirée, malgré quelques échanges inévitables (et oui, dans 300 m², on est obligé de se croiser et de discuter à un moment ou un autre...). On va dire que l'entente était cordiale parce qu'il n'y avait alors en place que les platines. Mais plus tard dans la soirées, les "punks" (appelés ainsi par commodité d'explication) ont débarqué leurs instrus avec la ferme intention de les utiliser.

Au début, tout est resté relativement calme en dépit de l'agacement de certains "teufeurs" (par commodité encore une fois, l'utilisation des catégories est malheureusement nécessaire dans l'exercice de l'observation sociologique) : un des punks avait installé sa batterie et commençait à jouer en phase avec le son électro des platines. Au bout d'un moment, l'agacement s'est progressivement accru pour déboucher sur des embryons d'énervement de part et d'autre : chacun voulait imposer sa zik.  La réaction de Sam, toujours confiant dans les principes de l'autogestion : chacun a le droit de participer à la fête. Mais, en dépit du fait qu'il s'agissait de son anniversaire, aucune intervention dans le quiproquo naissant.

A ce moment précis intervient entre les deux groupes la recherche d'un compromis : essayer de jouer ensemble plutôt que de jouer à celui qui fera le plus de bruit. Echec rapide de la tentative par incompatibilité musicale : impossible de coordonner les deux sons ; tout est décalé et tout sonne faux (je le confirme en tant que musicos moi-même).

Cet échec, l'alcool et le reste aidant, sonne grosso modo la fin de l'entente cordiale. Se forment alors trois principaux groupes : les punks et teufeurs qui veulent chacun imposer leur musique et s'embrouillent entre eux ; les punks et teufeurs qui jouent encore la carte du compromis ; enfin, ceux qui font leur soirée et qui s'en tapent.

Je ne sais pas s'il y a des leçons à tirer de cela mais l'issue de l'histoire est la suivante : après quelques bons coups de gueules, les teufeurs ont fini par plier leur son et se sont en partie cassés. Mais le plus étonnant, c'est qu'à aucun moment, personne ne s'est dit qu'il fallait préserver la soirée eu égard à celui qui l'organisait. Si une leçon : l'autogestion a encore du chemin à faire, sachant qu'elle échoue parfois chez des groupes qui partagent globalement la même vision de ce que devrait être un mode alternatif de vie sociale.

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Docteur Moutal
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